Saint François a-t-il réellement inventé la crèche de Noël ?

Un mythe sur les crèches de Noël court un peu partout : c’est à Saint François d’Assise qu’il reviendrait d’avoir inventé la première crèche de Noël. Il est temps néanmoins de rétablir la vérité, cette légende est fausse … ou du moins en partie.

AuX origines de Noël

Noël se place dans le sillage de fêtes païennes hivernales. A Rome, le solstice d’hiver donnait déjà lieu aux Saturnales. Ces fêtes comprenaient des grands banquets domestiques. Elles étaient des périodes de paix et de fraternité.  En Rome antique, on rendait un culte au dieu Mithra “Soleil invaincu” le 25 décembre justement.

C’est ce jour-là que choisit l’Eglise dans les années 330  pour célébrer la nativité. Néanmoins, ce n’est qu’à partir de 440 qu’apparut la messe de la nuit. Auparavant, l’assemblée chrétienne n’était conviée qu’à la messe du jour de Noël. 

Les crèches dans l’antiquité

Les premières crèches de Noël datent du Ve siècle. C’est près de l’église Sainte-Marie Majeure, dans un oratoire qui contenait une réplique de la scène de la nativité que le Pape Sixte III célébra un des premières messes ad Galli cantum, au chant du coq, c’est-à-dire avant l’aurore.

C’est aussi à ce moment-là que l’on retrouve les premières représentations de la nativité. La plus ancienne figure sur un sarcophage chrétien conservé au musée lapidaire à Arles. La manière de représenter n’a pas tant changé : on retrouve déjà la mangeoire dont parle les évangiles, la vierge marie à gauche ainsi que  l’âne et le bœuf réchauffant l’enfant Jésus du souffle de leur naseaux. Chose étonnante, ce n’est pas Saint Joseph qui est représenté à droite, mais un berger, reconnaissable à sa houlette (bâton alors utilisé par les bergers pour rassembler leurs bêtes).

Les crèches au Moyen-Âge

Au Moyen-Âge, il est courant que la Nativité soit mise en scène sous la forme de jeux liturgiques.  Ainsi, le tropaire de l’abbaye Saint-Martial de Limoges, manuscrit datant du XIe siècle, est le plus ancien témoignage connu d’une nativité jouée. De même, Geroh de Reichersberg atteste de l’existence de crèches vivantes réalistes en Autriche dès le XIIe siècle. Ces représentations ont lieu dans le chœur des églises ou bien sur le parvis. Elles ont pour but de rendre plus accessibles les récits évangiles. La scène de la nativité est très appréciée pour son aspect visuel : la procession des rois mages donne par exemple souvent lieu à des processions très pompeuses.

La crèche de Saint François à Greccio se place donc dans la continuité de ces représentations liturgiques du mystère de la nativité.

Tropaire de l’abbaye Saint-Martial de Limoges

Saint François n’a-t-il donc vraiment rien inventé ?

Contrairement à ce que laisse croire une tenace légende franciscaine, Saint François n’est pas à l’origine de la première crèche de Noël. Néanmoins, il faut reconnaître que sa démarche est très originale. En effet, pour la première fois, à Greccio, en 1223, la messe de la Nativité est dite en dehors d’une église, dans une grotte des Abruzzes en présence d’un âne et d’un boeuf tandis qu’une mangeoire sert d’autel. 

Autrement dit, il s’agit de la première représentation plus vraie que nature de la nativité, Greccio était devenu “un nouveau Bethléem” selon les mots de Thomas de Celano dans Vie de François. Ce dernier décrit d’ailleurs en ces mots les intentions de Saint François : 

“Je veux évoquer en effet le souvenir de l’Enfant qui naquit à Bethléem et de tous les désagréments qu’il endura dès son enfance ; je veux le voir, de mes yeux de chair , tel qu’il était, couché dans une mangeoire et dormant sur le foin, entre un bœuf et un âne”

La postérité d’un mythe

Si le mythe de la crèche de Greccio s’est imposé de la sorte, c’est que cette représentation très imagée a marqué les esprits. Ce qu’a bien compris Saint François c’est que la Nativité est peut-être le mystère le plus digne d’être représenté visuellement. Quoi qu’il en soit, ces jeux liturgiques médiévaux ont encouragé par la suite la confection de crèches telles que nous les connaissons. Et la légende de Greccio y est, il faut bien le reconnaître, en bonne partie pour quelque chose.

 

Sources

  • Nadine Cretin, « Le solstice d’hiver et les traditions de Noël », Questes, 2016, https://core.ac.uk/download/223547917.pdf
  • Françoise Lautman, Crèches et traditions de Noël, Éditions de la Réunion des Musées nationaux, 1986,
  • Gougaud L. La crèche de Noël avant St- François d’Assise. In: Revue des Sciences Religieuses, tome 2, fascicule 1, 1922. pp. 26-34.
  • Vie de Saint François, Thomas de Celano